image thumb1 Paul Krugman prix Nobel déconomie Professeur à la prestigieuse Université de Princeton, Paul Krugman, 55 ans, a annoncé en une ligne son Prix Nobel d’économie sur son blog du New York Times : “Matinée intéressante: Il m’est arrivé un drôle de truc ce matin…” J’aime beaucoup sa réaction et j’adhère particulièrement aux idées de cet économiste plutôt atypique qui reflète une grande partie de mon opinion concernant la mondialisation. Paul Krugman a été primé pour avoir développé des analyses économiques ayant permis de mieux comprendre la mondialisation de l’économie, la mobilité de la production, de la main d’oeuvre et des capitaux.

C’est une petite surprise qui va faire du bruit car le personnage est connu pour ses prises de positions anti républicaine tandis que Barack Obama lui semble au contraire “bien informé et intelligent ». J’avais lu il y a quelques années son livre “La Mondialisation n’est pas coupable” qui m’avait permis de vraiment comprendre les enjeux de la mondialisation et qui, même une décennie après sa sortie, reste plus que jamais d’actualité.

Dans cet ouvrage, Krugman tente de démontrer que la mondialisation n’est pas une guerre économique entre les nations, et que ces dernières ne se livrent pas à une compétition à somme nulle. Il met en cause dans cet essai de nombreuses idées reçues sur le libre-échange. Selon lui, le progrès technique serait au cœur des problèmes que rencontrent les économies occidentales, et non pas la compétition entre les pays.

Pour ceux que ça intéresse, voici ce que j’avais rédigé à l’époque sur son livre

Krugman va d’abord dénoncer l’idée que chaque Etat serait comme une grande entreprise, en concurrence les uns avec les autres, sur le marché mondial. Pour lui, il est faux de dire que les grands pays se trouvent engagés les uns contre les autres dans une vaste compétition à l’échelle mondiale, et que chacun de leurs vrais problèmes économiques peut être imputé à leur incapacité à bien se placer sur les marchés mondiaux.

L’idée que nous vivons dans un monde à somme nulle, un monde ou ce qui est gagné par l’un est nécessairement perdu par l’autre, est incorrect. Même si les grands pays industrialisés vendent effectivement des produits qui se font concurrence, ces pays constituent, les uns pour les autres, le principal marché d’exportation ainsi que la principale source d’importations : une économie européenne en bonne santé va probablement aider l’économie américaine en lui ouvrant des marchés plus étendus et en lui vendant à plus bas prix des produits de qualité.

L’analyse actuelle qui voudrait que la concurrence entre les Etats soit de même nature que celle qui oppose les entreprises doit son succès à son apparente intelligibilité, au sentiment réconfortant d’avoir déjà compris les principes de base de l’économie internationale. De plus, nombre de chefs d’Etat trouvent la métaphore de la compétition très utile comme outil politique, pour justifier des choix politiques difficiles, ou au contraire pour les éviter.

En effet, contrairement aux entreprises, une économie nationale produit avant tout pour elle-même. C’est sa productivité qui déterminera principalement son niveau de vie. De plus, d’après la théorie de l’avantage absolue de l’économiste anglais David Ricardo, un pays qui a une productivité inférieure aux autres peut continuer à exporter par la spécialisation. Ainsi, une faible productivité ne pose pas des problèmes plus graves à un pays engagé dans la compétition internationale qu’à un pays qui ne commerce pas avec l’extérieur.

Il démontre ensuite que la compétitivité des pays à bas salaire ne porte qu’une faible part de responsabilité dans le déclin de la part des emplois les moins qualifiés. Il s’intéresse notamment aux travailleurs américains, et prend l’exemple du secteur manufacturier. Son déclin dans la part du PIB aux Etats-Unis est du au fait que les ménages dépensent aujourd’hui une part moins importante de leurs revenus en produits manufacturés qu’il ne le faisait avant, car ces produits sont de moins en moins chers. Cela est essentiellement du à la productivité qui a augmenté beaucoup plus vite dans l’industrie manufacturière que dans les services. La diminution de la part des emplois industriels ne doit pas être attribuée à une carence de la compétitivité dans l’industrie manufacturière suite à une trop faible croissance. Cette chute de l’emploi doit être attribuée, pour une grande partie à une forte croissance de la productivité. De plus, l’accroissement de la part des dépenses dans le secteur tertiaire a réduit la part des dépenses dans l’industrie.

Si la vague d’exportations de certains pays en voie de développement a beaucoup attiré l’attention, la plus grande part des importations américaines se fait toujours en provenance de pays développés.

La concurrence croissante des bas salaires née du commerce avec les pays en voie de développement a été compensée par la progression des salaires et des niveaux de qualification chez les partenaires commerciaux traditionnels des Etats-Unis. En vérité, les importations en provenance des pays à bas salaires étaient presque aussi importantes en 1960 qu’en 1990, soit 2.2 % du PIB, parce qu’il y a trente ans le Japon et la majeure partie de l’Europe entraient dans cette catégorie. En 1960, les importations en provenance du Japon exerçaient une pression concurrentielle sur les industries de main-d’œuvre comme le textile. Aujourd’hui, le Japon est un pays à hauts salaires et la concurrence s’est portée sur les secteurs à fort coefficient de qualification, comme l’industrie des semi-conducteurs.

Pour Krugman, l’emploi régresse donc dans l’industrie manufacturière parce que les entreprises remplacent les travailleurs par des machines et utilisent mieux ceux qu’ils gardent. Les salaires stagnent parce que le taux de croissance de la productivité globale de l’économie dans son ensemble s’est ralenti, et les travailleurs les moins qualifiées sont ceux qui souffrent le plus de la situation parce que l’économie de plus en plus centrée sur la haute technologie a de moins en moins besoin de leurs services.

Krugman énonce plus précisément les causes de l’essor de l’emploi qualifié au détriment de l’emploi non qualifié, et de l’augmentation des inégalités en Europe et aux Etats-Unis. En effet, depuis 1970, le progrès technique a augmenté la prime que le marché donne aux travailleurs hautement qualifiés. Et ce n’est pas la conséquence de la mondialisation. En effet, ce n’est pas ce que nous produisons qui a modifié la demande de travailleurs non qualifiés, mais la façon dont nous le produisons. Pour lui, l’essor de l’informatique a joué un rôle dans cet accroissement des inégalités de revenus ; en effet, la moitié de l’augmentation de l’écart en faveur des diplômés de l’enseignement supérieur au cours des années 80 peut s’expliquer par l’utilisation croissante de l’informatique.

Cependant, Krugman pense que le progrès technique n’augmente pas nécessairement le travail qualifié. La technologie devenant « conviviale », il est de plus en plus simple de se servir des ordinateurs. De plus, l’homme sera toujours nécessaire (et bien payé) pour accomplir des taches aussi complexes que le jardinage, le ménage, et les milliers de services qui vont représenter une part croissante de notre consommations puisque les biens de consommations courante deviendront de moins en moins chers. Ainsi nous pouvons parler de déversement des emplois non qualifiés du secteur industriels vers le secteur des services pour les années à venir.

Dix ans plus tard, ses conclusions sont vérifiés et restent plus que jamais valables, le développement du secteur des services au cours de ces dernières années n’est qu’un exemple parmi d’autres prouvant la justesse de l’analyse de Krugman

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